Depuis décembre dernier, des cas de rougeoles ont fait surface aux États-Unis et au Canada. La vaccination n’étant pas obligatoire, les risque de cette maladie infantile de revenir est bien présente chez les non-vaccinés, et même ceux qui sont vaccinés n’ayant pas développé une immunité suffisante. En plus, il n’y a pas de traitement contre la rougeole, juste un vaccin
Nuage
Rougeole, peur et vaccins
Billet – L’éclosion de la rougeole au Québec a ramené au centre de l’actualité une maladie qu’on avait un peu oubliée. Un oubli compréhensible puisque depuis une trentaine d’années, un vaccin administré aux enfants avait pratiquement éliminé cette maladie infantile. L’oubli ne justifie toutefois pas la banalisation de cette maladie, hautement contagieuse, aux conséquences parfois très graves et même mortelles.
Un billet de Janique LeBlanc
La rougeole a réapparu aux États-Unis en décembre. Mi-février, les responsables de la santé publique dans Lanaudière ont confirmé dix cas de rougeole liés à l’éclosion survenue à Disneyland, en Californie. Les dix personnes touchées se connaissent et aucune n’était vaccinée. Un mois plus tard, on recensait 136 cas de rougeole dans Lanaudière. Toutes les personnes infectées n’étaient pas vaccinées. Cette situation n’est pas surprenante, elle survient tandis que de plus en plus de parents refusent de faire vacciner leurs enfants. C’est le cas des familles nombreuses de la communauté religieuse l’Esprit Saint, dans Lanaudière, où la rougeole s’est propagée rapidement.
École fermée et campagne de vaccination
À la fin février, un élève est allé à l’école Saint-Pierre de Joliette pendant qu’il était contagieux. Comme il a pu transmettre la maladie à des enfants non vaccinés, on a fermé cette école de 650 élèves pour une journée et organisé une campagne de vaccination d’urgence. Devant l’évidence de cette contagion, seuls trois parents d’élèves ont refusé la vaccination. Leurs enfants sont exclus de l’école jusqu’à ce que la Direction de la santé publique statue que l’éclosion est terminée (14 jours après la détection du dernier cas de rougeole.)
La crainte de l’autisme injustifiée
Cette éclosion de rougeole et tout ce branle-bas de combat auraient été évités si tous les enfants avaient été vaccinés contre la rougeole. De toute évidence, ce n’est pas le cas. Est-ce par oubli, par négligence, par refus ou par méfiance des vaccins? Cette méfiance a été alimentée par l’étude en 1998 d’un médecin britannique qui établissait un lien entre le vaccin RRO (rougeole, rubéole, oreillons) et l’autisme. L’étude était frauduleuse. Le médecin a été radié. La revue The Lancet l’a retirée en 2010, mais la peur s’était propagée. Une peur qui, selon le Dr Gabriel Girouard, n’a aucun fondement scientifique.
« Le lien avec l’autisme, il est faux. C’était une fausse association. Le scientifique s’est rétracté. C’était basé sur des données qui ont été mal analysées. La conclusion scientifique à ce jour, c’est qu’il n’y a aucun lien, absolument aucun lien, entre le vaccin RRO et l’autisme. On a un vaccin qui est hautement sécuritaire. Il est administré depuis des dizaines d’années et nous protège contre ces maladies horribles, surtout la rougeole », affirme le Dr Gabriel Girouard, microbiologiste et infectiologue au Centre universitaire hospitalier Dr-Georges-L.-Dumont et au Centre de référence diagnostique de virologie du Nouveau-Brunswick.
La rougeole : une maladie qui peut être grave
La rougeole est extrêmement contagieuse. Le contact direct n’est pas nécessaire. Le virus peut survivre dans l’air pendant quelques heures. Une personne peut contracter la maladie en ayant simplement partagé un même espace avec une personne infectée contagieuse. La rougeole peut engendrer des otites (5 % à 9 %) ou une infection pulmonaire (1 % à 5 %). Elle peut aussi provoquer des convulsions, et dans 1 cas sur 1000, engendrer une complication cérébrale (encéphalite) qui peut causer des dommages permanents au cerveau, voire un retard mental. Dans 1 cas sur 3000, le malade peut en mourir. En 1989, une épidémie de rougeole survenue au Québec avait fait 10 000 malades et 7 morts. Le Dr Gabriel Girouard rappelle qu’il n’existe pas de traitement antiviral spécifique contre la rougeole. Selon lui, l’éclosion récente au Québec prouve l’importance de la vaccination.
« La plupart des médecins d’aujourd’hui n’ont pas vu de cas de rougeole et on a oublié la sévérité de ces maladies-là. Ç’a été mis au rencart comme si la rougeole ce n’était pas si grave que ça, mais on a oublié le vrai visage de la rougeole. Maintenant, on va commencer à le voir parce qu’il va commencer à y avoir des mortalités et des atteintes neurologiques, ça va de soi. De nouveau, on va voir le visage de la rougeole et ce n’est pas un beau portrait. Et c’est vrai pour beaucoup de maladies infantiles », souligne le Dr Girouard.
Conséquences cachées de la rougeole
Le fait d’avoir contracté la rougeole peut aussi causer la panencéphalite sclérosante subaiguë. Cette maladie grave et mortelle peut se déclarer rapidement ou bien des années après avoir contracté la rougeole. Ses conséquences sont horribles.
« Le virus (de la rougeole NDLR) cause cette atteinte au cerveau et c’est vraiment une mort très atroce. La panencéphalomyélite sclérosante. Ce n’est pas une mort rapide et sans souffrance. Les gens perdent tous leurs moyens, deviennent spastiques, ils ne peuvent plus bouger, puis il y a atteinte cognitive. Ils vont mourir et il n’y a rien pour renverser ça », explique le Dr Gabriel Girouard
Des maladies qu’on ne voit plus grâce à la vaccination
Le Canada est exempt de poliomyélite depuis plus de 20 ans. Avant l’arrivée du vaccin en 1955, des milliers d’enfants canadiens sont devenus infirmes à cause de ce virus contagieux pour lequel il n’y a aucun traitement. Un enfant sur 200 qui contracte la poliomyélite verra ses membres déformés. Si la maladie touche le diaphragme, l’enfant ne peut plus respirer. C’est le poumon artificiel ou la mort. La poliomyélite est d’ailleurs en recrudescence au Moyen-Orient où des parents refusent de faire vacciner leurs enfants par peur, méfiance des autorités ou pour des motifs religieux.
La vaccination a aussi permis d’éliminer des maladies qu’on ne connaît plus du tout comme l’épiglottite causée par la bactérie Haemophilus influenzae.
« Il n’y a presque plus de médecins qui ont vu des épiglottites à cette bactérie-là aujourd’hui à cause du vaccin qu’on administre très tôt dans l’enfance. Mais il faut savoir que les enfants qui attrapaient une épiglottite suffoquaient jusqu’à ce que mort s’ensuive. C’était horrible, des enfants de deux ans ou de trois ans mourraient de ça », souligne le Dr Gabriel Girouard
La peur des vaccins
Pour la majorité des parents, la vaccination ne fait aucun doute. Ils en voient la nécessité pour protéger leurs enfants de maladies graves et de leurs séquelles potentiellement mortelles. Ils comprennent aussi l’importance de protéger les enfants vaccinés qui ne développent pas d’immunité. Par contre, pour d’autres parents, la peur du vaccin semble plus forte que la peur de la maladie.
« C’est illogique d’avoir plus peur du vaccin que de la maladie. Ça n’a aucun sens. Ça ne se soutient pas médicalement, scientifiquement. Il a été démontré que le vaccin est sécuritaire. Et n’importe quel parent qui serait exposé à un enfant malade, atteint de la rougeole et qui développerait des séquelles, s’en voudrait probablement de ne pas avoir donné le vaccin qui aurait pu protéger son enfant contre cette maladie », indique le Dr Gabriel Girouard.
Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse font piètre figure
Une étude publiée récemment par l’Institut CD Howe a recensé les taux de vaccination au Canada. Terre-Neuve-et-Labrador ressort championne avec un taux de vaccination de 95 % contre la rougeole, les oreillons, la varicelle, la diphtérie, le tétanos et la coqueluche. Les Maritimes font piètre figure. La Nouvelle-Écosse arrive au dernier rang avec seulement 66 % des enfants vaccinés contre la rougeole, les oreillons et la rubéole. Le Nouveau-Brunswick ne fait pas beaucoup mieux avec un taux de vaccination de 69 %. À l’Île-du-Prince-Édouard, la proportion est de 79 %. On est donc loin du taux idéal de vaccination de 95 % reconnu par les spécialistes pour obtenir une immunité collective.
La course au vaccin contre l’Ebola
Alors que les taux de vaccination laissent à désirer dans les Maritimes, la course au vaccin contre l’Ebola est en marche. Des essais cliniques ont lieu au Canada et ailleurs pour tester un vaccin contre cette maladie qui fait très peur. Le virus Ebola a tué plus de 10 000 personnes en Afrique de l’Ouest depuis 2013. La maladie a créé une psychose aux États-Unis après la mort au Texas d’un homme, infecté au Libéria, qui a transmis le virus à deux infirmières. Comme pour la rougeole, la poliomyélite, la méningite, l’épiglottite, il n’y a pas de traitement spécifique contre le virus Ebola.
« S’il y a un parallèle à faire avec l’Ebola, c’est la peur. Les gens voulaient le vaccin très rapidement parce qu’ils avaient peur. La rougeole, les gens n’ont pas peur parce qu’on a oublié comment ça pouvait être catastrophique. La rougeole ne tue pas comme l’Ebola, soyons clairs là-dessus, mais de perdre un enfant d’une encéphalite ou d’une pneumonie rougeoleuse ou de voir son enfant développer des problèmes pulmonaires pour le reste de sa vie, c’est ça le risque », explique le Dr Gabriel Girouard.
En dépit des appels répétés des autorités de la santé publique, de médecins, d’infirmières et de spécialistes en immunisation, malgré les années d’expérience qui ont prouvé la sécurité des vaccins, certains continueront à les refuser. Pour la rougeole seulement, l’Organisation mondiale de la santé estime qu’entre 2000 et 2013, le vaccin a permis d’éviter 15 millions de morts dans le monde. Ce n’est pas rien. La protection collective contre cette maladie dépend du taux de vaccination. Les parents doivent faire le choix pour leurs enfants, mais aussi pour les enfants des autres, car certains enfants vaccinés n’auront pas développé une immunité suffisante.
Nous vivons bien sûr dans une société libre. Contrairement à la France, la vaccination n’est pas obligatoire au Canada. Même des spécialistes estiment qu’on ne doit pas l’imposer à ceux qui la refusent, quelles que soient leurs raisons. Il faut donc informer, convaincre avec des faits, des preuves scientifiques et médicales de l’efficacité des vaccins pour prévenir des maladies, leurs complications et la mort. À chacun ensuite de faire son choix, un choix éclairé par des faits, pas par des mythes.
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