Qui aurait cru qu’on trouverait des points positifs au chialage, voir même une façon de consolider une amitié où un couple. Bien sûr, il y a des chialages contre productifs, mais quand les émotions négatives sont proportionnelles à la cause, les résultats ont plus de chance d’être positif
Nuage
La nécessité du «chialage»
L’expression indirecte des émotions négatives accroît les problèmes relationnels au lieu de contribuer à les régler. Mieux valent des expressions émotionnelles directes consistant à critiquer le comportement du conjoint et demander des changements précis.
Photo Shutterstock, wavebreakmedia
Yves Dalpé
(Québec) Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les gens qui expriment leurs émotions négatives développent plus d’amitiés intimes. Et les partenaires d’un couple ressentent une plus grande intimité si leurs conjoints révèlent plus d’émotions négatives.
En thérapie conjugale, certains clients expriment parfois leur malaise avec leurs «chialages» et préféreraient obtenir des conseils sans avoir à se mouiller outre mesure. Parfois, ces personnes sont des adeptes du «positivisme» dans la vie. Nous aimerions tous vivre dans l’harmonie sans éprouver d’émotions négatives. Surtout avec notre amoureux ou amoureuse qui devrait être une fontaine d’émotions positives, selon nos attentes. Des couples sont fiers de se présenter comme faciles à vivre et de révéler qu’ils ne se disputent jamais. Malheureusement, leurs «beaux caractères» peuvent leur coûter cher. En effet, les émotions négatives sont inévitables et utiles. Cela est particulièrement vrai dans la vie de couple. En fait, l’inhibition de l’expression émotionnelle empêche le développement de l’intimité.
Le «chialage» est nécessaire. C’est ce qui ressort des nombreuses recherches présentées dans le texte de Baker et coll. (2014), professeurs universitaires de psychologie en Floride et en Nouvelle-Zélande. Les émotions négatives améliorent la relation conjugale si elles sont communiquées efficacement. La colère, la peur, la jalousie, le sentiment de solitude, par exemple, sont des émotions désagréables qui ont leur utilité. En effet, plus nous ressentons l’intensité d’une émotion, plus nous sommes conscients de la nécessité de réagir au problème sous-jacent. Notre motivation à résoudre le problème en est donc magnifiée. En conséquence, nous alertons mieux notre conjoint sur notre préoccupation.
Comme les conjoints désirent habituellement satisfaire leurs besoins mutuels, l’expression de détresse de l’un des deux suscite automatiquement le soutien. C’est pourquoi il existe une corrélation entre l’expression des émotions négatives d’un conjoint et la qualité du soutien subséquent de l’autre conjoint, ce qui diminue la détresse conjugale. Ainsi donc, l’expression des émotions négatives, quoique déplaisante sur-le-champ, bénéficie à la relation du couple parce qu’elle favorise la résolution des problèmes. Cela renforce la relation à long terme. Si un homme est en colère contre sa conjointe à cause de sa consommation excessive d’alcool, celle-ci a plus de chance de reconnaître son problème d’alcool.
Meilleur à long terme
Dans une recherche, on a trouvé que l’expression des émotions négatives, comme la colère et le blâme, pourtant perçues comme moins efficaces et amenant de la détresse sur le coup, avait amené une meilleure entente un an plus tard. Dans une autre recherche, des maris qui avaient montré un manque de motivation en discutant de leur santé ont gagné moins de poids avec le temps à la suite de l’expression des émotions négatives de leur femme. J’ai souvent remarqué cela en entrevue. Un conjoint reçoit avec réticence les doléances de l’autre conjoint, mais le message fait son chemin quand même avec le temps.
Toutefois, il y a des situations dans lesquelles l’expression d’émotions négatives est improductive, sinon nuisible. Quand le problème est mineur et que le «chialage» est disproportionné, le conjoint visé peut ressentir de la colère et du rejet. La satisfaction conjugale en sera abaissée. Aussi, quand la plainte se rapporte à des problèmes insolubles comme dans le cas de l’infertilité, par exemple.
Parfois inefficace
Finalement, il y a des façons productives d’exprimer ses émotions négatives en couple et des façons inefficaces. L’expression indirecte des émotions négatives accroît les problèmes relationnels au lieu de contribuer à les régler. On fait ici référence, par exemple, à la bouderie, au refus de parler, à la pleurnicherie, aux soupirs, au sarcasme, aux questions hostiles, au rabaissement d’autrui, à la moquerie, à la culpabilisation, à l’exagération et à la culpabilisation. Mieux valent des expressions émotionnelles directes consistant à critiquer le comportement du conjoint et demander des changements précis.
Cela vous surprendra peut-être, mais il arrive que de blâmer l’autre, le critiquer et même crier peuvent être efficaces, car ces expressions négatives apporteront une plus grande motivation au changement chez le conjoint. Par exemple, on sait que l’infidélité est associée à une baisse importante de satisfaction conjugale. La réaction de jalousie romantique qu’elle suscite a une fonction adaptative, même si elle provoque des conflits dans un premier temps, car elle garantit une plus grande stabilité de la relation à la longue. Une réaction très négative à la suite de la découverte d’une infidélité assure davantage la correction du comportement.
En somme, le «chialage» est efficace à la condition d’être proportionné aux problèmes rencontrés et d’être activement constructif plutôt que manifesté de façon passive. Il est toujours préférable d’être clair verbalement que de faire sentir ses insatisfactions seulement par la mauvaise humeur.
RÉFÉRENCEL. BAKER et coll. (2014). «When Negative Emotions Benefit Close Relationship», dans W. PARROT, The Positive Side of Negative Emotions, New York, Guilford.
http://www.lapresse.ca/