C’est quand même triste que de jeunes enfants pensent aux suicides et lancent des appels de détresse. Heureusement qu’avant l’adolescence, ces enfants ne passent pas nécessairement à l’acte, mais les risques peuvent s’aggraver en grandissant si personne ne les entends
Nuage
Des 5 à 12 ans affectés par des pensées suicidaires
La psychiatre de l’enfance et de l’adolescence Johanne Renaud conseille aux parents de demander de l’aide si l’enfant a un changement de comportement qui ne s’explique pas.
Shutterstock, Rob Hainer
Pierre Pelchat
Le Soleil
(Québec) Des enfants de six, sept ans ne se suicident pas, heureusement, mais certains d’entre eux ont des pensées suicidaires qui peuvent les prédisposer à passer à l’acte à l’adolescence.
«Chez les jeunes enfants [de 5 à 12 ans], ce sont des comportements suicidaires que l’on diagnostique. C’est à partir de 13 ans qu’il y a des décès. C’est rare, mais ça arrive. Il y a même eu un décès à 11 ans», a indiqué, mercredi, la Dre Johanne Renaud, lors d’un forum organisé à Québec par l’Association québécoise de prévention du suicide.
Lors de son exposé, la psychiatre de l’enfance et de l’adolescence à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas de Montréal a illustré ses propos par un cas fictif mais réaliste d’un enfant de sept ans qui se plaignait tout le temps d’être malade, d’avoir des maux de ventre, qui était déprimé, qui avait perdu l’appétit. Il avait tenu des propos suicidaires en classe devant son professeur en lui disant qu’il pourrait se tirer une balle dans la tête.
«Ce n’est pas une menace. C’est un signe de détresse, de souffrance. Ça veut souvent dire que ça va vraiment mal dans sa vie. Un enfant tout petit qui dit qu’il serait mieux de disparaître, qu’il est trop souffrant, qui est déprimé peut avoir des pensées suicidaires. Il ne peut pas dire qu’il fait une dépression. Il ne sait pas ce qu’est une dépression», a affirmé la Dre Renaud.
Chez les adolescents, on diagnostique des dépressions depuis quelques années. Être dépressif ne veut pas dire pour autant être suicidaire, a précisé la médecin. Sans vouloir dramatiser la situation, elle conseille aux parents de demander de l’aide si l’enfant a un changement de comportement qui ne s’explique pas.
Un phénomène «pas rare»
«Ce n’est pas rare la dépression chez les jeunes. Il y a 10, 15 ans, ça n’existait pas. On parle de phase à l’adolescence. Aujourd’hui, s’il y a des antécédents familiaux répétés, on commence à se dire que ce sont peut-être les premiers signes d’une dépression. Il ne faut pas passer à côté. Ça arrive très rapidement. C’est plus fréquent dans certaines familles», a-t-elle observé.
La vérification des antécédents familiaux est un passage obligé avant d’établir un diagnostic, selon la psychiatre.
«On oublie ça souvent. C’est plus facile de poser des questions pour savoir s’il y a des cas de maladies cardiaques dans la famille, de l’asthme, du diabète. C’est plus difficile pour savoir s’il y a eu des dépressions, des suicides dans la famille, de la consommation de substances. Ce sont encore des sujets tabous», a-t-elle déploré.
Malgré plusieurs interventions publiques sur la prévention du suicide au Québec, la Dre Renaud estime qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
«Le suicide chez les 15-19 ans représente 20 % de tous les décès dans ce groupe d’âge. La première cause de décès demeure les accidents de la route. Il reste encore du travail d’information à faire auprès du grand public, des parents, même des médecins et des intervenants en première ligne», a-t-elle plaidé.
La psychiatre a fait part d’une amélioration chez les garçons au Québec depuis une dizaine d’années avec une diminution marquée du nombre de suicides.
«C’est possiblement grâce à nos interventions qu’il y a eu une baisse chez les garçons. Il y a maintenant un protocole qui a été mis en place pour s’occuper des jeunes», a-t-elle dit.
Chez les filles, on note une légère augmentation des suicides qui est toutefois moindre que dans les autres provinces canadiennes.
«Le danger pour les filles, ce sont les médias sociaux. Elles les utilisent tellement. Il y a beaucoup de tentatives de suicide en lien avec les médias sociaux. Des adolescentes prennent les petits mots qu’on peut y lire au premier degré», a expliqué la médecin spécialiste.
Par ailleurs, les statistiques qui montrent qu’il y a plus de suicides chez les garçons sont trompeuses sur l’ampleur des tentatives de mettre fin à ses jours.
«Il y en a plus, de suicides chez les garçons à cause de la létalité des moyens utilisés. Les filles, on les sauve à l’hôpital», a-t-elle dit.
La Dre Renaud enseigne en pédopsychiatrie à l’Université McGill. Elle est également responsable du Centre Standard Life en prévention de la dépression et du suicide chez les jeunes.
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