Les excréments peuvent dévoiler beaucoup chose sur les habitudes alimentaires des animaux et des hommes, mais quand ces excréments ont plus de 50 000 ans, on peut vraiment s’intéressé a ce qu’ils contiennent
Nuage
La plus vieille crotte humaine en dit long sur ce que mangeaient nos ancêtres

La zone où a été découvert le coprolithe
Photo : Ainara Sistiaga
Par Florence Santrot
ARCHÉOLOGIE – C’est déjà une découverte en soi : des archéologues ont mis lau jour, dans le sud de l’Espagne, la plus vieille crotte humaine, remontant à 50 000 ans. Surtout, cela permet de savoir avec précision ce que l’on mangeait à l’époque.
Détail des fragments de coprolithe
Photo : Ainara Sistiaga
Le lieu de fouille dans le sud de l’Espagne, sur le lieu-dit El Salt.
Photo : Ainara Sistiaga
La découverte peut prêter à sourire : des archéologues viennent de trouver la plus vieille crotte humaine. Ou plus précisément un coprolithe, soit un excrément fossilisé. Dans le sud de l’Espagne, à El Salt sur les lieux d’un feu de camp d’hommes de Neanderthal, ils ont mis au jour des excréments d’il y a 50 000 ans. Plus précisément, ils ont mis la main sur des fragments de déjection coincés dans des couches de roches. Ces résidus se sont révélés bien plus anciens que ceux trouvés en Turquie (6 000 à 7 000 ans) ou aux Etats-Unis en Oregon (au mieux 14 000 ans).
Au-delà de cette trouvaille, ces scientifiques publient mercredi 25 juin une étude dans la revue Plos One. Ils y détaillent le régime alimentaire de nos ancêtres. Jusqu’à présent, il fallait le plus souvent se fier aux restes retrouvés dans les cendres des feux de camp. De bien maigres éléments pour en tirer des conclusions fiables. Avec cette déjection, ils ont établi que les habitudes alimentaires des hommes de Neanderthal étaient bien plus variées qu’on ne le pensait. Certes, la consommation de viande était très importante, mais cela ne les empêchait pas d’ingérer également des végétaux, contrairement à ce qu’on pouvait penser.
Des doutes sur l’origine humaine de ce coprolithe
Trois des cinq échantillons néandertaliens trouvés contenaient des concentrations élevées de composés générés par la dégradation du cholestérol, présent dans les aliments d’origine animale. Mais deux autres échantillons contenaient également des éléments produits par la décomposition des molécules présentes dans les aliments à base de plantes (tubercules, fruits, noix…). Les scientifiques estiment que celles-ci ont pu représenter 25 % du régime alimentaire de l’Homme de Neanderthal.
Cependant, des doutes demeurent sur le fait que ce coprolithe soit effectivement d’origine humaine. Certains scientifiques suggèrent que les composés retrouvés dans ce fossile pourraient également appartenir à un ours, animal omnivore comme l’homme. Ainara Sistiaga, scientifique de l’université de La Laguna, chercheuse au MIT et coauteur l’étude, avance pour sa part que les ours ne produisent pas le même type de cholestérol que celui des humains. Enfin, elle suggère que les déjections préhistoriques pourraient ne pas être aussi rares qu’on ne le pense.
« Personne ne pense à les chercher », a-t-elle déclaré. « Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas. » Bien souvent ce qui est sous notre nez reste invisible…
Pourquoi cette crotte ne s’est pas désagrégée avec le temps ?
Il y a plusieurs hypothèses possibles. Jacques Santrot, archéologue, les détaille :– En cas de grand froid, la déjection peut cristalliser à la surface puis se fossiliser et être ainsi préservée dans le temps.
– L’excrément a sans doute été préservé des animaux car il était situé dans une grotte, obstruée par la suite (c’est ainsi que des restes d’un ours ainsi que des traces de pas ont été découverts intacts dans la grotte Chauvet en France).
– De même, si elle était préservée des intempéries ou éloignée d’une rivière souterraine, elle a pu tout simplement séché au fil du temps et se fossiliser.
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