Le médecin n’a pas toujours raison
Les idées reçues ont la vie dure. Même chez nos docteurs. Voici quelques-uns de leurs conseils qu’on ferait mieux d’ignorer.
Les médecins sont là pour nous aider à rester en bonne santé. Mais, comme tous les êtres humains, ils sont faillibles. La
médecine couvre un domaine de connaissances si vaste que, parfois, le praticien lui-même n’est pas informé des dernières recherches.
Par exemple, savez-vous pourquoi les Français, les Italiens et les Belges consomment deux à trois fois plus d’antibiotiques que leurs voisins néerlandais, suédois ou allemands (1) ? Parce que, dans ces pays, beaucoup de généralistes continuent de prescrire largement ces médicaments pour des infections respiratoires, alors que les recherches ont récemment établi que la plupart des infections hivernales sont d’origine virale. Même les mucosités épaisses et verdâtres ne sont pas un signe d’infection bactérienne ! Nous avons passé au peigne fin les résultats des dernières recherches en matière d’hygiène, de sommeil, d’alimentation, de traitement de la douleur pour vous aider à faire le tri. Bonne lecture !
Hier : Brossez-vous les dents
immédiatement après avoir mangé.
N’importe quel dentiste vous rappellera que l’une des règles de base de l’hygiène dentaire consiste à se brosser les dents après chaque repas.
Aujourd’hui Ne vous précipitez pas sur la brosse à dents après avoir consommé des aliments acides. Attendez si possible une demi-heure. C’est le temps nécessaire à la salive pour reminéraliser l’émail de la dent attaqué par cette alimentation.
« Aujourd’hui, avec le grignotage, les jus de fruits et les sodas, l’alimentation est très acide et très nocive pour les dents, observe le Dr Michel Devriese, président de la Société de médecine dentaire (Bruxelles). De plus, boire des jus ne stimule pas la production de salive protectrice comme peuvent le faire des quartiers d’agrume mastiqués. Si vous courez à la salle de bains aussitôt après avoir mangé, vous frotterez un émail fragilisé, risquerez de l’altérer et de favoriser une érosion dentaire. Terminez votre repas par un aliment antiacide tel que le fromage et… buvez de l’eau », conseille le spécialiste.
Hier : Si le mucus est verdâtre, vous êtes atteint d’une infection bactérienne qui requiert des antibiotiques.
« Beaucoup de médecins continuent de professer cette croyance, parce que, biologiquement, cela semble crédible », constate Rachel Vreeman, professeur assistant en pédiatrie à l’université d’Indiana.
La couleur jaune ou verte est en effet attribuée au pus produit lors des infections bactériennes. Erreur.
Aujourd’hui Il faut utiliser les antibiotiques avec prudence.
La couleur des mucosités est due notamment au fer présent dans certaines enzymes que les cellules sanguines sécrètent contre l’infection. Quand le mucus est épais et de couleur verte ou jaune, c’est un signe d’infection, sans qu’on puisse savoir si celle-ci est virale ou bactérienne.
« Prescrire un antibiotique de manière systématique peut conduire au développement de résistances », prévient Wesley Van Dessel, responsable de la communication scientifique à l’Institut scientifique de santé publique à Bruxelles.
Hier : Prenez des médicaments dès que la fièvre se manifeste.
La fièvre peut avoir des conséquences fâcheuses, comme les convulsions fébriles chez l’enfant. C’est pourquoi il est essentiel de maîtriser la température. En particulier chez les petits.
Aujourd’hui Ne prenez des antipyrétiques que pour les fortes fièvres.
Modérées, les fièvres sont non seulement sans danger, mais elles aident l’organisme à lutter contre l’infection (virus et bactéries) en stimulant le système immunitaire.
« Ce n’est qu’à partir de 38,5 °C qu’il est éventuellement utile d’entreprendre un traitement », recommande l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) dans sa dernière Mise au point sur la prise en charge de la fièvre chez l’enfant.
Hier : Désinfectez coupures et
égratignures avec de l’eau oxygénée ou de l’alcool.
Ces deux produits détruisent efficacement la majorité des micro-organismes susceptibles d’infecter une plaie.
Aujourd’hui Nettoyez délicatement à l’eau et au savon.
Rincez abondamment (trois minutes) car le savon peut réduire l’efficacité de certains désinfectants comme la chlorhexidine. Évitez l’alcool ou l’eau oxygénée, qui ralentissent les processus de cicatrisation.
Que mettre ? Outre-Atlantique, on préconise des crèmes antibiotiques.
« En France, on reste fidèle à la maxime du Pr Raymond Vilain, rappelle le Dr Loïc Étienne, urgentiste et créateur de Zeblogsanté : “Paix sur la plaie aux germes de bonne volonté.” »
En d’autres termes : on ne met pas d’antibiotiques, car cela détruit aussi tous les micro-organismes qui nous protègent… La solution à privilégier après le lavage : des ammoniums quaternaires (Stérylène, Sterlane, Cetavlon…) ou de la chlorhexidine, qui respectent les tissus et ne ralentissent pas la cicatrisation. Autre solution : le Mercryl, qui est un mélange des deux. Et les pansements ?
« Surtout pas de pansement occlusif, rappelle le Dr Étienne. Quinze minutes après la désinfection, un réseau de fibrine se forme et protège la blessure. La plaie est déjà propre, des anticorps se fabriquent sous la fibrine. Ajouter quelque chose dessus n’apporte rien. On peut mettre un petit pansement sec (compresse/sparadrap ou stérilstrip) pour cacher… mais l’air doit circuler. »
hier : Limitez la consommation d’œufs pour protéger votre cœur.
Depuis les années 1970, les cardiologues insistent sur la richesse en cholestérol du jaune d’œuf et affirment que l’œuf favorise l’athérosclérose, et donc les maladies cardio-vasculaires. Une étude parue en 2012 dans le journal Atherosclerosis va même plus loin, suggérant que les œufs sont presque aussi dangereux que la cigarette pour le cœur.
Aujourd’hui Mangez autant d’œufs que vous voulez, pourvu que vous ne les noyiez pas dans la matière grasse.
« L’étude de 2012 était très critiquable sur le plan de la méthodologie. Elle ne tenait pas compte d’autres facteurs de risque cardio-vasculaire comme l’activité sportive, l’équilibre alimentaire ou la consommation de cigarettes », précise le Dr Jean-Michel Lecerf, nutritionniste à l’Institut Pasteur de Lille.
Depuis plusieurs années, tous les travaux vont dans le sens contraire, et il est considéré que, jusqu’à 7 unités par semaine, la consommation d’œufs n’a aucun effet négatif pour le cœur. Sauf pour les diabétiques.
« Il semblerait que les œufs augmentent discrètement le taux de cholestérol, mais seulement le HDL, le bon cholestérol », précise le Dr Lecerf.
Conseils si l’on veut faire baisser son taux de cholestérol : faire du sport, limiter les graisses saturées, consommer des fruits et légumes, et on peut s’autoriser sans inquiétude des aliments riches en cholestérol comme les crevettes ou les œufs.
À savoir :
un œuf contient à peu près 240 mg de cholestérol alimentaire… « mais il est surtout très riche en antioxydants et en nutriments essentiels pour les yeux et le cerveau comme la choline et la lutéine », rappelle le Dr Lecerf.
Le chercheur met actuellement la dernière main à l’étude Algovue, qui évalue les bienfaits de l’œuf en prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge.
hier : Évitez les noix, les graines
et les fruits secs si vous souffrez de diverticulose.
Longtemps, le corps médical a clamé que les personnes souffrant de diverticulose, trouble digestif caractérisé par la formation de « poches » dans la muqueuse colique, devaient éviter de nombreux aliments, notamment les petits aliments durs comme les graines, qui pouvaient se loger dans ces diverticules et provoquer douleurs et saignements.
Aujourd’hui Consommez de tout, sauf en période de « crise ».
Publiés dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), les résultats d’une étude portant sur près de 50 000 personnes affirment que les aliments bannis jusqu’à présent n’augmentent pas le risque de complications de la diverticulose. Au contraire : consommer ces graines riches en fibres aide à lutter contre la constipation, un des facteurs de risque de la diverticulose.
Seule limite :
« En période de crise, quand les diverticules sont enflammés et que les patients ont mal, mieux vaut arrêter transitoirement ces aliments riches en fibres », conseille le Dr Lecerf.
hier : Une alimentation fragmentée (cinq à six petits repas) aide à perdre du poids.
Différents travaux publiés dans des revues aussi prestigieuses que le New England Journal of Medicine ou l’American Journal of Clinical Nutrition l’ont affirmé : de petits repas réguliers permettent un meilleur contrôle de la glycémie et du taux de cholestérol. Cela augmenterait le métabolisme et favoriserait la perte de poids.
Aujourd’hui Cette alimentation fractionnée pousserait au grignotage et à la suralimentation.
Des chercheurs de l’université de Purdue ont soumis des hommes à un régime hyperprotéiné et basses calories. Ils ont constaté que ceux à qui l’on proposait ce régime sous forme de six collations ressentaient plus volontiers la faim que ceux qui ne prenaient que trois repas et qu’ils cessaient en outre de maigrir.
Explication du Dr Lecerf, auteur d’À chacun son vrai poids (Éd. Odile Jacob) : « Chez les personnes de poids normal, fractionner les prises alimentaires n’aboutit pas à une surconsommation. Chez celles qui ont un surpoids excessif et qui n’ont plus une bonne régulation de leurs apports, la multiplication des collations augmente la ration totale, explique le spécialiste, qui vient tout juste de participer au jury d’une thèse de médecine sur ce sujet (septembre 2013).
Dans son intervention lors du dernier congrès du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS), en novembre, sur le thème « Inconstance de la vertu nutritionnelle », ce chercheur remettait en cause les dogmes nutritionnels. Sa conclusion : évitons les règles trop strictes !
Hier : Tenez-vous bien droit lorsque vous êtes assis.
Garder le dos à 90 degrés éviterait les douleurs du rachis.
Aujourd’hui Mieux vaut s’asseoir dans une position de détente.
Des chercheurs de l’université d’Alberta (Canada) ont réalisé des IRM sur une population de volontaires sains. Ils ont observé qu’une inclinaison de 135 degrés induit moins de pression sur les disques intervertébraux que la position jusqu’alors considérée comme idéale, soit 90 degrés.
« L’excès de pression sur les disques peut favoriser à terme une hernie discale, affirme Evan Johnson, directeur du département de kinésithérapie au centre du rachis de l’hôpital presbytérien de New York. Quand vous travaillez à votre bureau, incurvez légèrement la colonne (tête en avant) puis, en gardant cette posture, basculez vers l’arrière. Calez votre chaise de manière que le dossier soutienne votre colonne.
Hier : Faites du cardiotraining pour perdre du poids.
La pratique du cardiotraining a été prônée pendant des décennies pour perdre des kilos. Le concept, introduit en 1968 en Amérique par le Dr Kenneth Cooper, inventeur de l’aérobic, s’est rapidement popularisé dans le monde entier.
Aujourd’hui Optez pour l’entraînement par intervalles. Issue de l’entraînement fractionné des athlètes de haut niveau, cette méthode consiste en de courtes séquences d’activité physique intense alternant avec des phases de repos. Une étude de l’université de New South Wales, en Australie, conduite sur des personnes obèses valide cette approche. Les femmes qui ont fait 20 minutes de sprints sur un vélo stationnaire (8 secondes d’effort, puis 12 secondes de récupération) trois fois par semaine pendant quatre mois ont perdu presque trois fois plus de graisse que celles qui ont effectué 40 minutes de vélo d’intensité modérée.
Avantage :
« Beaucoup de gens n’ont pas le temps de faire les 40 minutes d’endurance nécessaires pour puiser dans les graisses. Le “fast fitness” permet d’obtenir des bénéfices en termes de perte de poids en seulement 20 minutes », explique le Dr Christophe Delong, médecin du sport.
Pour de meilleurs résultats, il faut combiner cette technique avec des exercices de renforcement musculaire. La recherche avance et affine nos connaissances. Notre spécialiste pronostique que « le bon cocktail sera sans doute dans l’accélération/ralentissement, plutôt que dans les séquences sprint/repos ».
Hier : Récupérez pendant le week-end des nuits trop courtes de la semaine.
La carence en sommeil est réputée favoriser l’obésité, les maladies cardio-vasculaires et bon nombre d’autres troubles. D’où la tentation de compenser ce manque de sommeil par des grasses matinées en fin de semaine.
Aujourd’hui Ne vous réveillez pas trop tard le week-end, même si vous avez peu dormi pendant la semaine. Dans le cadre d’une étude menée au Brigham and Women’s Hospital de Boston, des sujets sains ont dormi dix heures d’affilée après une nuit courte. Résultat : leur niveau d’attention était diminué et leur temps de réaction, plus lent. Après trois semaines à ce rythme, les performances des patients étaient très nettement ralenties. Pourquoi ?
« Parce que cela dérègle l’horloge biologique et le rythme circadien », explique le Dr Sylvie Royant Parola, présidente du Réseau Morphée, consacré aux troubles du sommeil, qui compare ces grasses matinées à un véritable jet lag.
« Le week-end, on peut grappiller une heure de sommeil supplémentaire, pas plus, estime la spécialiste, qui prévient : se rendormir après un premier éveil naturel est néfaste. »
Des études ont conclu que l’irrégularité des rythmes était aussi nuisible que le manque de sommeil. Grâce à l’existence des rythmes biologiques, l’organisme fonctionne en anticipant les fonctions essentielles comme libérer des enzymes, des neurotransmetteurs, des hormones à certaines heures.
Si on bouscule son rythme, on favorise une dérégulation de la glycémie, on modifie les mécanismes de satiété, on stimule le stockage des matières grasses… »
1. ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
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