La vie de famille, que de souvenirs.. autant dans ma propre enfance, que ceux de mes enfants .. les mauvais et bons coups .. les drôles de réponses avec la logique enfantine! Je ne sais pas si le fait d’avoir eu des enfants on comprend mieux avec le temps, le moments difficile a gérer de mes propres parents, mais en bout de ligne je considère que j’ai de très bons enfants .. et que cela valait drôlement la peine ..
Nuage
La famille
Ce n’était plus notre salle de bains, mais bien leur salle de jeux.
Mes enfants ont commencé à s’intéresser à cet endroit stratégique vers l’âge de deux ans et ont pris l’habitude d’en faire leur repaire jusqu’à ce qu’ils aient chacun leur appartement.
Elle en a vu des choses, cette salle de bains!
On y a fait flotter des ampoules dans la baignoire pour tirer dessus avec des pistolets à eau. On y a enveloppé un crapaud mort dans un drapeau pour le « confier à la mer ». On a décoré le siège des toilettes avec de la mousse à raser pour en faire un gâteau à la crème.
Et quand je cognais à la porte en criant :
« Qu’est-ce que vous faites là-dedans? »
j’obtenais invariablement la même réponse : « Rien! »
Lorsqu’un enfant dit qu’il ne fait « rien », les parents peuvent tout de suite composer le 9-1-1. Pendant qu’il ne fait « rien » dans la salle de bains, le chien aboie, l’eau fuit sous la porte, un frère ou une soeur hurle de douleur, on sent une drôle d’odeur de poil grillé et on entend un bruit évoquant le piétinement d’un millier de chameaux.
Quand j’y repense, la plupart des conversations que j’ai eues avec mes enfants se sont déroulées à travers la porte de la salle de bains,
généralement vers les 2 heures du matin.
« C’est toi? Tu es rentré ?
Qui croyais-tu que c’était ?
Tu as vu l’heure ?
Non, et toi ?
Tu as mangé ?
Bien sûr, quelle question !
Bon, je vais me coucher.
C’est formidable de pouvoir se parler comme ça. À ton âge, il y en a beaucoup qui refusent le dialogue! »
Chaque fois que je criais : « À tâââble »,
tout le monde se lançait dans un ballet minutieusement réglé.
Mon mari s’enfermait dans les toilettes avec les Mémoires de Churchill, un des enfants décrochait le téléphone et composait le numéro d’un de ses copains (n’importe lequel), un autre prenait un ballon pour aller jouer dehors, et un troisième filait attraper un autobus pour une direction inconnue.
L’ennui des dîners en famille, quand on finit par réunir tout son monde, c’est l’impossibilité de se mettre d’accord sur un sujet de conversation.
Les enfants ont tendance à parler de choses de nature à vous couper l’appétit : ils peuvent par exemple, vous décrire de façon extrêmement détaillée la face inférieure de la langue.
C’est dans les années 20 que la notion de rivalité entre frères et soeurs a été inventée par le psychanalyste autrichien Alfred Adler.
Avant, les parents se contentaient de dire des choses comme :
« Ils vont finir par s’entre-tuer. »
D’après Adler, tous les enfants passent par une phase au cours de laquelle ils rivalisent entre eux pour attirer l’attention de leurs parents.
« Maman, dis-lui d’arrêter! » fait une voix excédée.
« D’arrêter quoi ?
D’arrêter de chantonner!
Mais je n’entends rien.
Évidemment, tu n’entends jamais quand elle chantonne!
Elle s’arrange pour que personne d’autre que moi ne l’entende. »
Je me colle l’oreille contre la bouche de l’accusée, et j’écoute. Rien.
« Regarde son cou. Tu verras que ça bouge. »
Je touche le cou, puis j’ordonne à la « chantonneuse » d’arrêter.
« Ça s’est arrêté ? » ( La question s’adresse à mon fils ).
Il me répond par un sourire de triomphe.
En voiture, il paraît que certains enfants s’amusent à compter les vaches ou les immatriculations étrangères. Chez nous, les enfants ont toujours préféré un jeu qui consistait à conquérir coûte que coûte une place près de la vitre, ce qui donnait lieu, sur la banquette arrière, à des voltiges incroyables.
Cependant, quelque chose aurait manqué à nos vacances sans les inévitables « coups de pied dans le dos ». Le spécialiste de ce sport ne s’asseyait jamais ailleurs que derrière le conducteur, son père en l’occurrence.
Il y avait aussi la petite coquine qui attendait que nous soyons sur l’autoroute pour se pencher vers son père, souriant à la perspective d’une semaine sans soucis, et lui dire :
« Papa, c’est exprès que tu as laissé couler le boyau d’arrosage ? »
À l’occasion, elle était aussi capable de se tourner vers son frère pour lui demander :
« Tu as parlé à maman du chat que tu as caché sous ton lit ? »
Au moment où on croyait qu’elle avait fini de nous assener ses bonnes nouvelles,
elle reprenait la parole :
« J’osais pas vous le dire, mais pendant que papa mettait les valises dans l’auto
et la clé sous le pot à fleurs,
j’ai vu un homme en face qui surveillait tout ce qu’on faisait. »
Depuis des années, les anthropologues s’attardent à comprendrequels sont les liens qui unissent une famille pour la vie.
Quelle est donc cette force qui nous maintient tous ensemble ?
Est-ce parce que, même si nous rejetons, ignorons, négligeons notre famille,
nous nous sentons toujours aimés ?
Parce que, malgré nos mensonges, notre indifférence et tous les problèmes
que nous pouvons poser, on nous pardonne tout de même ?
Est-ce parce que nous y avons, quoi qu’il arrive, notre place ?
Bien sûr, le fait d’avoir élevé une famille ne fait pas partie des expériences professionnelles que je mets sur mon curriculum. N’empêche que je suis en droit de me poser la question : si c’était à refaire, est-ce que je recommencerais?
Mais rétrospectivement, quels qu’aient été mes ambitions et mes succès dans la vie, j’ai quand même connu une réussite extraordinaire.
Pendant 30 ans, j’ai conservé l’unité de ma famille, ajoutant un peu de colle par-ci par-là pour que tout se tienne, réparant ici et là quelques accrocs dus à des échanges un peu vifs, et en distribuant au jour le jour une portion d’amour et de loyauté à l’égard de quelque chose qui nous dépassait tous.
Comment se fait-il alors que nous ayons constamment besoin de mettre à l’épreuve la patience et l’amour des autres?
La survie de la famille serait-elle à ce prix?
Auteur: Une mère comblée et fière