Un sujet difficile a aborder, mais tellement important d’en parler. Quelques témoignages ici décrit pour démontrer que les enfants qui vivent le suicide de leur parents sont souvent pris avec des émotions qui ne peuvent être soulager qu’avec l’entraide. Certains auront a subir en plus de leur peine des réactions négatives de leur entourages, que ce soit de la parentés, des amis, et même l’école .. Comme cette jeune fille qu’on a changé d’école de peur que cela affecte les autres .. !!! Bien sur cela peut influencer mais se taire et mettre un masque n’aidera pas a démystifié le suicide,, n’aidera pas non plus a redonner a l’enfant le goût de vivre
Nuage
Suicide d’un parent: le pire deuil au monde

Au fil des 12 semaines durant lesquelles ils fréquentent le groupe de thérapie, les enfants sont appelés à dessiner ce qu’ils ressentent depuis le suicide de leur parent.
Marie-Claude Malboeuf
La Presse
Un jour, ils faisaient leurs devoirs, rêvaient au père Noël, jouaient à la poupée. Puis, leur parent s’est suicidé. Et rien n’a plus jamais été pareil.
Béatrice disparaît presque derrière le gros ourson en peluche plaqué contre son corps gracile. Elle a 12 ans, un visage de poupée, une épaisse frange qui retombe sans arrêt sur ses yeux sombres. Et des pensées parfois plus noires encore.
Il y a cinq ans et demi, le père de Béatrice (1) s’est suicidé.
«Le plus dur, c’est que si je pouvais le revoir, je ne saurais plus quoi faire, se désole-t-elle. Avant, j’en rêvais tellement! Maintenant, je n’arrive plus à vivre la joie que je ressentais quand il me faisait un câlin. J’ai très peur de l’oublier, comme s’il y avait une chance qu’il revienne si je m’accrochais assez fort.»
D’après une estimation modeste, environ 400 enfants et adolescents québécois vivent chaque année le même drame. Pour la plupart, ils se sentent seuls au monde. Comment comprendre que son parent ait pu choisir de mourir? Comment affronter les préjugés des autres?
«À ce que je sache, on est une belle famille. Mais les gens autour de nous ont toujours une petite méfiance. Comme si on allait les contaminer», s’attriste Béatrice.
Dans son groupe d’entraide, qui a bien voulu accueillir La Presse à deux reprises, ils sont une dizaine. Pas toujours les mêmes. Eux aussi viennent de belles familles. Leur père était médecin, comptable, restaurateur, chauffeur de taxi. Leur mère était infirmière ou enseignante. Avec eux, ils faisaient du ski, allaient à la pêche ou chantaient en se rendant à l’école. Jusqu’à ce qu’une dépression très profonde, et parfois un problème d’alcool ou de drogue, fasse éclater leur vie en morceaux.
Dans leur immense malheur, ces jeunes ont eu un tout petit peu de chance. Car avant de se retrouver au groupe d’entraide, ils ont suivi une thérapie de groupe pour enfants ou pour adolescents à la Ressource régionale de suicide de Laval. Une rareté.
«Il existe de beaux services en individuel, mais les enfants veulent se sentir semblables aux autres. En groupe, ils découvrent que ce qu’ils ressentent est normal», constate l’intervenante Josée Lake, qui a elle-même perdu son frère par suicide.
Dans le vaste monde, le réconfort n’est pas garanti.
«Mes oncles m’évitent depuis que mon père est mort. On dirait qu’ils ne sont plus capables de me parler comme avant», déplore Charlotte, 15 ans.
Une autre adolescente a dû changer d’école parce que la direction craignait que son deuil ne perturbe les autres élèves.
«Ma meilleure amie a dit dans mon dos que j’avais trop besoin d’attention et que je devais tourner la page, raconte pour sa part Béatrice. Mais on ne peut pas faire ça! Depuis quelque temps, j’ai tout le temps envie de pleurer. J’aimerais me retenir, mais ça déborde.»
Le suicide très médiatisé d’une jeune Gaspésienne victime d’intimidation les a tous bouleversés.
«Une fille a dit que c’était une lâche, raconte Charlotte. J’ai dû sortir de la classe pour pleurer cinq bonnes minutes. Elle le sait, pour mon père, et elle ne s’est même pas excusée. Ce n’est ni lâche ni courageux, c’est juste de la souffrance.»
***
Lorsqu’ils ont appris la nouvelle – que ce soit à 4, 6, 11 ou 13 ans -, ils ont tous refusé d’y croire. Un tout petit garçon a entendu sa soeur hurler lorsqu’elle a trouvé le corps de leur père. Émilie, elle, n’a rien vu, mais elle s’est mise à courir et à appeler son père de toutes ses forces.
Une autre enfant a été ramenée à la maison par les ambulanciers. Elle avait très hâte de montrer ses nouvelles photos d’école à sa mère. Mais sa mère n’y était plus – même si elle avait pris soin de lui acheter un cadeau d’anniversaire la veille de son suicide:
«On a fêté mes 7 ans le lendemain des funérailles. Je ne comprenais pas comment elle pouvait me donner un cadeau si elle n’était pas là.»
Aujourd’hui, chaque anniversaire, chaque passage est difficile: déménagement, remise de diplôme, premier amour. Émilie est entrée au cégep en septembre.
«Je voudrais que mon père voie ce que je suis devenue, je voudrais entendre ce qu’il me dirait s’il était là», dit-elle.
Charlotte, elle, pleure de fatigue. Elle passe souvent la nuit debout lorsque sa mère dort ailleurs avec son nouveau compagnon.
«J’ai très peur quand elle s’en va, très peur dès qu’elle arrive en retard. Je voudrais qu’elle réalise que j’ai besoin d’elle…»
Tous les jeunes perturbés par un suicide détestent que leurs relations changent.
«Quand les gens entrent dans ma vie, j’ai toujours peur d’avoir encore de la peine, peur qu’ils me déçoivent et me laissent tomber, confie Béatrice. Et quand ça arrive, je n’arrête pas de me demander ce que j’aurais pu faire d’autre. J’accepte beaucoup de choses, juste pour que ça continue.»
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Comme elle, aucun ne veut oublier. Ils cherchent partout les yeux, le sourire ou le parfum du disparu.
«Quand je me retourne dans la rue, il m’arrive de voir quelqu’un qui ressemble à mon père. On dirait que j’hallucine», dit Maude, 12 ans.
Certains soirs, elle écoute la musique qu’il aimait:
«Ça me fait pleurer, mais j’aime ça en même temps.»
Avec le temps, leurs rêves s’entremêlent aux souvenirs. Émilie était en Gaspésie avec le reste de sa famille lorsque son père s’est tué, à Montréal.
«Avant de partir, on lui a dit au revoir sans se rendre compte que c’était la dernière fois, dit-elle. Je ne sais même plus si je me suis retournée pour le saluer par la fenêtre de la voiture.»
1. Les prénoms de tous les enfants ont été changés
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