Notre génération voit l’horreur que certaines personnes âgées vivent, causé par manque de soin et d’aide. Alors que ceux qui essaient de leur mieux concilier travail, maison et grands-parents sont au bord du surmenage .. Les temps ont changés et laisse perplexe quand nous seront a notre tour trop vieux pour s’occuper de nous-même
Nuage
La génération sandwich: prise entre l’arbre et l’écorce

Isabelle Houde
Le Soleil
(Québec) Fiston revient de la polyvalente et dévore le contenu du réfrigérateur. Papa et maman, épuisés après une journée de boulot, se mettent à table. Voilà que le téléphone sonne : grand-papa a besoin d’être conduit à l’hôpital… Bienvenue dans l’univers de la génération «sandwich», prise dans un moment charnière entre l’arbre qui pousse et l’écorce qui vieillit…
S’occuper de ses parents vieillissants a toujours été dans les moeurs, mais la donne a changé. Les gens vivent plus vieux, les femmes ont des carrières en dehors de la maison, les enfants, moins nombreux, arrivent parfois tard, restent longtemps… et reviennent même chez papa et maman dans les moments difficiles.
L’image d’une maison où l’ado vivrait dans le sous-sol, les parents à l’étage et les grands-parents au premier illustre à merveille l’idée de génération sandwich, qui englobe les adultes âgés de 40 à 55 ans qui doivent s’occuper à la fois de leurs ados et de leurs propres parents. Un exercice qui demande beaucoup d’équilibre.
«Il faut savoir en parler», insiste Patsy Clapperton, psychologue en développement organisationnel.
«Souvent, on va tout prendre sur nos épaules, poursuit-elle. Il faut essayer de redistribuer les rôles d’une certaine façon. Il y a encore des familles qui sont assez nombreuses et pour qui c’est plus facile, mais ce qu’on voit de plus en plus souvent, c’est que les enfants sont éparpillés un peu partout géographiquement, ce qui fait qu’une seule personne en vient à prendre beaucoup de décisions pour le parent.»
Quand la maladie et la perte d’autonomie frappent à la porte de nos parents, il est parfois difficile de concilier cette réalité à un horaire déjà très chargé entre le travail, l’école, les enfants, la maison…
«Devenir un proche aidant, en clair, ça veut dire passer plus de temps à accompagner le parent vieillissant, soit pour des rendez-vous médicaux, soit dans l’entretien ménager, les courses, les repas, les soins corporels…», énumère Patsy Clapperton.
«C’est difficile émotivement de voir que son parent perd des capacités et a besoin davantage d’aide. Il y a une dynamique psychologique là-dedans», précise-t-elle, en rappelant qu’il y a une ligne à ne pas franchir pour se protéger.
«Il y a parfois une inversion des rôles, une espèce d’infantilisation où l’enfant va tout faire à la place du parent et va le brimer. Même vieux, on a besoin de sentir qu’on est encore en contrôle de notre vie», explique celle qui, avec son associée Josée Viens au sein de la compagnie UMANO, fournit des services de conseil et de formation dans les résidences pour personnes âgées et dans les entreprises pour sensibiliser à la réalité des aînés.
«On sous-estime beaucoup ce que ça veut dire, vieillir, en termes de demande d’adaptation pour la personne âgée», poursuit Mme Clapperton.
Elle insiste sur l’importance de se préparer à cette réalité, qui survient parfois plus vite qu’on l’aurait pensé.
Et quand elle survient, cette réalité, il faut en parler avec la famille, mais aussi au travail. «Ça fait longtemps qu’on milite pour la conciliation travail-famille, pour les jeunes familles, les garderies et tout ça, mais maintenant, la réalité, c’est que si on a à dire : "Je vais m’absenter pour aller reconduire mon père ou ma mère à l’hôpital", est-ce qu’on a l’ouverture et la possibilité de le faire?» poursuit la psychologue.
«Toute la sensibilisation reste à faire», selon son associée Josée Viens.
«Ce n’est qu’un début. C’est nouveau, cette réalité-là de la génération sandwich», évoque-t-elle.
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